Marie Danis et Maxime Cléry-Melin, les avocats d’Olivier Barberot, ex DRH de France Télécom, ont insisté, dans leur plaidoirie à deux voix du 10 juillet, sur la pertinence des mesures d’accompagnement RH du plan Act et indiqué que l’entreprise avait été "pionnière dans la prévention des RPS" par la création de cellules d’écoutes "novatrices à l’époque".
Au cours d’une plaidoirie de trois heures et demie, truffée d’éléments techniques et juridiques, ce mercredi 10 juillet, Marie Danis et Maxime Cléry-Melin, les avocats du cabinet August & Debouzy, ont demandé la relaxe d’Olivier Barberot, DRH de France Télécom durant les années noires de 2005 à 2009, accusé de harcèlement moral. "Madame la présidente, la condamnation d’Olivier Barberot pour le symbole n’aurait qu’un effet marginal sur l’essor de la prévention des RPS mais laisserait, par contre, une tâche indélébile sur la dignité d’un homme et constituerait une violation majeure des principes de droit pénal qui protège chacun d’entre nous", a soutenu Maître Maxime Cléry-Melin.
Selon lui, aucun grief contre leur client n’est établi. Le harcèlement moral n’est pas constaté.
"Actes positifs et non des abstentions"
Critiquant au passage certaines parties civiles et témoins "incités à témoigner ou à se constituer partie civile", dénonçant le silence du parquet "jusqu’au jour des réquisitions", Maître Marie Danis a indiqué que "condamner Olivier Barberot reviendrait à condamner des négligences". Or, celles-ci "n’entrent pas dans le champ d’application et de la définition du harcèlement moral puisque cette infraction nécessite des actes positifs et non des abstentions".
"Il y a donc un obstacle à la lecture des articles du code pénal et un obstacle à la condamnation puisque les éléments constitutifs du délit ne sont pas remplis. Le parquet et les parties civiles ont voulu faire une lecture extensive des textes en contradiction de la règle d’interprétation stricte de la loi pénale".
"L’extraordinaire effort de l’entreprise pour la formation"
Les deux avocats ont tenté de démonter point par point les accusations pesant sur leur client. Ils ont tout d’abord décortiqué le programme Act, déclinaison RH du plan Next, lancé en juin 2005, pour la période 2006-2008, en s’attelant à gommer l’image de brutalité reprochée à l’entreprise dans la gestion de la transformation. Aux critiques portant sur "le manque d’accompagnement humain", Maître Marie Danis oppose "l’extraordinaire effort de l’entreprise pour la formation de ses personnels". Elle indique que ce budget a augmenté de 84 % en quatre ans. "Olivier Barberot mouille sa chemise pour obtenir le financement formation ; les deux tiers sont consacrés à l’adaptation au poste de travail". De plus, il ne s’agit pas d’une "offre virtuelle", les formations sont "consommées" et le suivi de parcours de professionnalisation récompensé par une prime "de 12 % du salaire brut".
L'avocate détaille ensuite les mesures concernant la mobilité : "7 000 personnes ont rejoint des métiers prioritaires entre 2006 et 2008". Avec à la clef un budget conséquent : "en 2007, 18 millions d‘euros ont été versés et 22 millions d’euros ont été provisionnés pour accompagner ces mobilité". Quant aux mobilités externes, 10 000 offres ont été diffusées et 12 000 candidatures ont été reçues. "Il y a un intérêt pour ce dispositif et des conditions avantageuses ont été prévues", insiste l’avocate. D’autant que l’intégration est progressive : stage probatoire pour se familiariser avec le poste, puis détachement de l’administration pour se préparer définitivement à sa nouvelle fonction, assortie d’un droit de retour d’un an…
De même, l’essaimage est qualifié de "dispositif extrêmement favorable", doté "d’outils performants" et offrant au candidat sur le départ la possibilité de revenir à son poste initial pendant une période courant jusqu’à quatre ans et 11 mois.
Autant de mesures qui démontrent qu’ "Olivier Barberot a fait ce qu’il fallait dans son champ de compétence".
"Aucun responsable RH n’a été entendu par le tribunal"
Maître Marie Danis s’emploie ensuite à corriger l’objectif dévastateur des 22 000 départs prévus en trois ans, 2006-2008, à l’origine des "mobilités forcées" et de l’entreprise de déstabilisation visant à pousser les salariés vers la sortie. "De 1996 à 2012, un tableau montre qu’il y a eu environ 22 000 départs soit un nombre qui n’était pas supérieur aux années précédentes". Aussi, "les chiffres annoncés n’étaient pas de nature à créer une inquiétude de [la part d’Olivier Barberot]".
De son côté, Maxime Cléry-Melin a réfuté les accusations selon lesquelles il y avait eu "une absence de la fonction RH". Selon lui, "l’ensemble des effectifs a été maintenu". Mais, il rappelle que "dans les deux tiers des cas, aucun responsable RH n’a été entendu par le tribunal". Dans ce contexte, "comment prétendre démontrer l’absence de la fonction RH quand on ne prend pas la peine d’écouter les RH locaux ?".
"La reconnaissance des RPS en droit du travail a elle-même été tardive"
La défense estime, en outre, que "les actions de prévention RH ne peuvent être qualifiées de tardives" et soulève l’absence de définition et d’encadrement légal de la notion de RPS. En effet, la reconnaissance des RPS en droit du travail a elle-même été tardive. Une étude menée par l’Ifop, en 2007, révèle d’ailleurs que 56 % des entreprises n’avaient mis en place aucune mesure de prévention des RPS. "Il y a 10 ans, souligne Maxime Cléry-Melin, les risques au travail étaient surtout relatifs aux accidents et maladies professionnelles (notamment liés à l’amiante)".
Enfin, l’avocat "effaré par les conclusions du rapport de Technologia" ajoute que France Télécom a même été "pionnière dans la prévention des RPS" par la création de cellules d’écoutes "novatrices à l’époque". "Ils sont coupables de trop en faire et de ne pas assez en faire en même temps".
Anne Bariet et Justine Gruet-Zougar